Projet de réforme de l’enseignement professionnel
un utilitarisme étroit et contraire aux missions de l’École
La Conférence des associations de professeurs spécialistes a pris connaissance avec inquiétude du projet de réforme du lycée professionnel porté par la Ministre déléguée Carole Grandjean. La précédente réforme avait été imposée sans tenir compte des associations de professeurs. Il en va de même de celle qui est actuellement engagée : comment parler de concertation alors que les groupes de travail ont déjà été constitués sans que les professeurs soient conviés à y participer ? Ce projet a pourtant de quoi susciter les inquiétudes les plus vives. Il prévoit en effet le doublement des périodes de stage en entreprise, la révision des filières proposées dans les lycées en fonction des besoins locaux et la possibilité donnée aux établissements de décider des volumes horaires de certaines disciplines. En faisant dépendre les apprentissages dispensés au lycée des arbitrages locaux et des besoins des entreprises, ce projet porte atteinte au principe d’égalité. Le doublement du volume horaire dévolu aux stages se fera, en outre, aux dépens des enseignements dispensés au lycée par des professeurs dont les compétences ont été attestées par des concours nationaux. Or ces enseignements sont essentiels :
1. D’eux dépend la réussite des lycéens de la voie professionnelle dans l’enseignement supérieur. La Conférence rappelle que plus de quatre lycéens sur dix poursuivent leurs études après avoir obtenu leur baccalauréat professionnel. En diminuant leur volume horaire, ce projet de réforme fragilise leurs chances de réussir leurs études.
2. Ces enseignements, ainsi que l’enseignement de la philosophie, sont nécessaires à l’appropriation des connaissances et des méthodes qui permettent aux élèves de développer leurs facultés d’innovation et d’initiative et, ainsi, de mieux s’adapter, plus tard, aux évolutions du marché du travail. La volonté de diminuer la part des enseignements dispensés au lycée au profit de la formation en entreprise participe d’un utilitarisme étroit contraire à la véritable utilité.
3. Ces enseignements sont nécessaires à la construction de la citoyenneté. La Conférence rappelle que la voie professionnelle ne prépare pas seulement les élèves à être de futurs travailleurs : elle leur apprend aussi à devenir des citoyens éclairés. Les élèves de la voie professionnelle ont vocation, comme les autres, à être des acteurs de la vie de la Cité. Leur formation ne saurait, par conséquent, se réduire à l’acquisition de routines : elle doit leur apprendre à construire leur liberté.
Aussi la Conférence s’opposera-t-elle avec toute son énergie à une réforme qui aura pour effets de dévaluer le baccalauréat professionnel, de renforcer les inégalités entre les élèves des trois voies du lycée, d’inféoder les apprentissages aux besoins des entreprises, de supprimer le cadrage national des enseignements et de dégrader les conditions des professeurs en les privant du temps nécessaire à instruire leurs élèves.
En conséquence, elle demande :
• le maintien de la durée actuelle des stages en entreprise ;
• le renforcement des enseignements généraux, tant dans leurs contenus que dans leur volume horaire, ainsi qu’une réflexion sérieuse sur l’introduction de l’enseignement de la philosophie ;
• un baccalauréat professionnel exigeant et cadré nationalement.
Le 22 novembre 2022
Associations signataires
APBG
APDEN
APHG
APLettres
APLV
APMEP
APPEP
CNARELA
UdPPC